Project Description

Exposition SPLIT SCREEN

PIERRE-EMMANUEL CHATILIEZ

Exposition du Jeudi 23 Mars 2017 au Jeudi 27 Avril 2017

Vernissage aura lieu le Jeudi 23 Mars 2017 de 18:30 à 22:30 en présence de l’artiste
Finissage le Jeudi 27 Avril 2017 de 18:30 à 22:30 en présence de l’artiste

Des séquences mouvantes à la narration sophistiquée, des contre-plongées saisissantes qui dévoilent le siècle, des montages numériques prémonitoires. Autant de techniques mais un seul format, ou plutôt un seul et même écran, celui de l’usine à rêve.
Car Pierre-Emmanuel Chatiliez vient du cinéma et ça se voit. Illustrateur excellant dans l’art du story-board (d’Alain Resnais à Brett Ratner en passant par Jallil Lespert ou Shawn Levy on ne compte plus les réalisateurs qui se sont attachés ses précieux services) il développe en parallèle une activité artistique originale qui donne à voir, à travers un travail toujours très soigné, méticuleux et d’une extrême attention dans les finitions, une sensibilité particulièrement aigüe à l’histoire contemporaine, à ses basculements soudain, ses télescopages les plus spectaculaires. L’histoire contemporaine en cinémascope, comme projetée sur des écrans éclatés en surface aussi bien qu’en profondeur, des «split screens.

Patrice Ramain (philosophe)

Pierre-Emmanuel Chatiliez a déjà derrière lui une brillante carrière illustrateur/story boarder. Depuis le début des années quatre-vingt-dix en effet, il réalise des story board et travaille avec les plus grands réalisateurs Alain Resnais pour Les herbes Folles, Mathieu Kassovitz pour Assassin(s), Shawn Levy pour la Panthère Rose , Brett Ratner pour Rush Hour3, pour ne citer qu’eux. Pour ces grands noms du septième art, il réalise des documents techniques illustrant au plus près leurs idées artistiques. Le storyboard, Pierre-Emmanuel Chatiliez en dira qu’il « est assez comparable à des esquisses préparatoires en peinture ou en sculpture »1, c’est aussi l’esquisse de sa démarche artistique. Assuré aujourd’hui de commandes internationales, collectionné par la Cinémathèque française et exposé  comme un incontournable de cet art en France, il utilise cette solide expérience pour se lancer sur un tout nouveau chemin, celui de son expression artistique propre, devenant à son tour créateur, dans le plein sens du terme.
Cette expérience est celle du rendu des plans avec la plus grande exactitude possible, le séquençage les images, afin de rendre le mouvement, propre au langage cinématographique. Il travaille à l’ordinateur, juxtaposant des photos préalablement réalisées dans son atelier. C’est autrement dit, pour reprendre les mots de l’artiste, une démarche qui consiste à « utiliser l’image comme un tube de peinture, en procédant par touches ou par couches translucides, comme en glacis pour la peinture à l’huile ou l’aquarelle, afin de générer des images virtuelle qui tirées et marouflées sur une plaque de métal deviendront bien solides et réelles. »2 Concevant son art par série, il entame son processus créatif par les Paper Dolls. Cette série est née au cours d’un voyage aux USA, où il tombe sur un billet de dollars et s’aperçoit que le format correspond exactement à celui du Cinémascope. Il photographie puis retravaille sur ordinateur l’image d’une tête de mannequin vitrine, sur fond de ce fameux billet. Le visage de femme ressemble au mannequin des pages de papier glacé d’un magazine féminin, monde de la mode et des préoccupations éphémères où l’argent est omniprésent et a valeur clef. Grâce à sa parfaite maitrise de l’outil informatique et de ses logiciels, il livre une image où le visage est net, léché dirait-on s’il s’agissait de peinture, et le fond, l’argent, 1 Citation tirée d’une interview réalisée dans le cadre de la préparation d’un ouvrage sur le story board aux éditions Eyrolles qui paraitra courant 2012 2 Citation tirée d’une interview réalisée dans « Impression graphique, le bog » en septembre 2007 évanescent. La poupée est comme une star de cinéma, glamour par son grain de peau lisse, ses faux cils et sa bouche maquillée. Elle s’intègre au dollar dont les volutes lui tire une larme dans la Paper Doll 010, ou les anagrammes compliquées, préservant la monnaie des reproductions illégales, lui forment une coiffure la faisant ressembler à un sphinx dans la Paper Doll 003. Mais l’image féminine se fait aussi inquiétante, coincée entre le dollars, ou s’en extirpant, dans la Paper Doll 007, marquant peut-être là l’influence sur l’artiste des génériques du plus fameux représentant de ces trois chiffres, James Bond, crées par Maurice Binder qui en réalise quatorze entre 1962 et 1989.
Pierre-Emmanuel Chatiliez revendique l’ascendance de ces ainés, tout comme il évoque le graphiste américain Pablo Ferro, ou de son génial contemporain Saul Bass dont on retrouve là encore dans l’œuvre de notre artiste les échos du générique de la voiture en feu et des personnages flottants de son Casino. Dépassant la figuration pour aller vers le fantastique, il entame la série des BUGs in the system, prenant au sens littéral l’insecte, la traduction en image de l’anglais, qui dévore la machine infernale qu’est l’ordinateur, dans une notion qui nous est à tous familière, celle du dysfonctionnement informatique pouvant se révéler de différents degrés de gravite.
Chatiliez crée pour cette série, des animaux mi réalistes-mi fantastiques, qui s’expulsent de leur fond pour menacer le spectateur et semble se libérer totalement de ses influences. Ces animaux prennent place sur des composants électroniques, où dans chaque image, un symbole est récurrent, celui du signe du bouton de démarrage et d’extinction de l’ordinateur, qui interviendra, inexorablement, par la puissance destructrice du dit insecte. « Ces guerriers tapis dans l’ombre3 » aux couleurs métalliques, semblent menacer bien plus le spectateur que l’appareil électronique, en particulier pour le BUG 001. Le symbole de la vie contemporaine semble leur servir de nid, ils y ont solidement planté bagage, l’extinction est allumée et seul le spectateur peut encore ressentir le danger d’un bouleversement imminent.
Les BUG 005, 006 et 007 ont cela d’effrayant qu’il est très difficiles de les rapprocher d’un être vivant existant. Et alors on s’aperçoit que de l’insecte, que l’on destinait à dévorer la machine, le symptôme de la plus anxiogène des maladies actuelles, celle de l’anéantissement du désormais plus proche amis de l’homme, son ordinateur ; cet insecte fait finalement corps avec l’ordinateur pour menacer le spectateur. Le BUG est bien ancré dans la machine, il y a installé ses quartiers généraux, il devient 3 Patrice Ramain. Pierre-Emmanuel Chatillez, Digital Painting.

L’expression de l’inquiétude de l’artiste face aux grands bouleversements de notre temps. C’est aussi une question métaphysique, celle de la peur de l’inconnu. La série sur laquelle l’artiste travaille actuellement « Money shot » continue l’exploration du mouvement pour tenter d’en rendre au plus près l’effet par séquençage de la scène au sein d’une même œuvre. Ce mouvement est celui du talon aiguille qui brise ou glisse sur la glace, ici le miroir, souvenir d’un récent séjour à Moscou, ville qui a retenue son attention par l’omniprésence et du glamour et de l’argent. Dans la glace se mirent les starlettes dont les talons sont l’attribut fétiche avec lesquels elles semblent être née tant il est leur est facile de se déplacer sur le verglas perchée sur dix à quinze centimètres. Le titre de la série, « Money shot », c’est le rapport entre l’argent et la production artistique qui devient rapidement par glissement de sens, la disproportion du coût de cette dernière. C’est aussi, dans l’industrie pornographique la prise de vue où l’acteur mâle reçoit un extra. C’est le règne de tout ce qui est monnayable et superficiel à une époque où beaucoup manifestent la nécessité de sortir de cet engrenage. Cette série prolonge les thèmes de prédilection de l’artiste, sa réflexion sur les angoisses contemporaines où la métaphore ne peut se filer que si l’on en cherche le sens.
La démarche de Pierre-Emmanuel Chatiliez dans le travail par séries découle certes de l’approche qu’il peut avoir dans le story board mais qui s’affranchit des codes pour devenir œuvre originale. Ces références sont bien sur les grands noms du graphisme et des génériques de films ainsi qu’ils ont été évoqués plus haut, mais ce sont aussi le pop art et sa vision décalée dans le traitement de sujets d’actualité et l’utilisation de l’image publicitaire au premier comme au troisième degrés. C’est aussi le souvenir des grands maitres de la photographie, les univers glacés et angoissant d’Erwin Olaf, les tendances extra constructivistes, et futuristes de Rodchenko et tant d’autres… Ce n’est pas seulement la recherche du mouvement qui anime sa méthode mais bien l’évolution d’un symbole, d’une idée qui est le propre de la démarche artistique.